Ode à Mino
C'était notre voisine quand j'étais petite. Entre mes 10 ans et 18 ans à peut près.
C'est devenue une amie très très proche de ma maman. On était toujours chez les uns ou les autres. Ancienne mannequin, et professeur de français, elle composait des chansons pour enfants.
Elle me disait : "Chante"
Et j'ai enregistré plein de morceaux avec elle, que je chante à présent à mes filles. Leur préférée, mon tube : "Ma petite sirène"
Elle me disait : "Filme"
Et j'ai filmé toutes les soirées qu'elle organisait l'été avec son caméscope, grandes fêtes avec plein de musiciens qui venaient "boeuffer". La bohème quoi.
Elle me disait : "Réalise"
Et j'ai tourné trois années de suite, des courts-métrages avec ses élèves de 6ème, et c'était un vrai bonheur à chaque fois, de réunir les décors, les costumes et de créer un film avec des enfants plein d'enthousiasme, et elle virevoltant au milieu de tout ça.
Elle me disait : "Sois belle"
Et elle m'a appris à me maquiller, à ne pas en mettre trop, à faire un dégradé.
Je pense à elle quand je fais mon trait de sourcil journalier en ce moment, et mon trait qui remplace mes cils. Je pense à elle depuis que je suis malade, et ma maman aussi. Mais on ne peut pas l'appeller ni la voir.
En Février, elle s'est fait opérer d'une tumeur au cerveau en urgence. Dans le service de soins intensifs, nous étions là, ma maman et moi, en train d'enfiler charlottes et chaussons de protection. On parlait de choses futiles pour penser à autre chose. Et puis, on a vu Mino, quasiment inconsciente, les yeux fermés, juste une larme qui a coulé sur sa joue lorsqu'elle a reconnu nos voix. J'ai blagué en lui disant qu'elle avait une chance folle d'être dans un service de chippendales, et c'est vrai, ils étaient tous costauds et beaux, des blanc, des noirs, cheveux courts, cheveux longs. Et oui, je blaguais déjà. Devant cette vision terrible j'arrivais à blaguer, sans savoir que la maladie n'était pas que dans son petit corps, mais dans celui des trois femmes présentes. Mino, ma maman et moi.
En mars, je suis retournée la voir avec ma soeur, et sa fille, elle allait déjà beaucoup mieux physiquement, mais son esprit allait prendre du temps à se remettre de cette épreuve. Elle m'a demandé comment allait "mon fils".
Et puis, ma maman a découvert sa propre maladie. Elle me l'a annoncé alors que j'avais déjà senti ma boule au sein depuis une semaine. Je ne lui ai pas dis tout de suite ma crainte. Je lui ai laissé digérer un peu son diagnostic. Et puis, j'ai découvert mon cancer.
Sacré enchaînement tout de même en un mois. Sacré claque.
Mais aujourd'hui, si j'écris cette ode à Mino, c'est pour lui dire que je n'aurais jamais cessé de penser à elle, pendant les longs mois de mon traitement, et ce malgré le fait que je n'aurai pas pu aller la voir une seule fois. Ses médecins nous ont interdit de lui parler de notre maladie, de peur qu'elle ait un choc émotionnel. Difficile de venir la voir avec ma perruque, trop peur qu'elle découvre le "truc". Difficile de lui parler, sans lui mentir.
Cette situation fut difficile, mais tout ceci, devrait bientôt rentrer dans l'ordre, et Mino pourra bientôt m'engueuler en me disant qu'une "Ode" est un poème musical avec des strophes, et pas un billet sur un blog ! Et ma maman et elle pourront se raconter leurs histoires de fille. J'espère qu'elle comprendra le fait qu'on lui ait "caché" notre situation. Que c'était pour son bien, et que cela nous coûte beaucoup à tous, ma soeur et sa fille inclus.
Tout va allez mieux.
Les gars, pour une fois je dois avouer, j'ai pleuré en écrivant ce petit texte. ;-)
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